Dans le rétro : P. A. Helmbold, membre-fondateur du FCM

“Quinze années de F.C.M.” par P. A. Helmbold, ancien capitaine et président du F.C.M. 93

Document exclusif datant de juillet 1928, qui retrace la vie de l’un des premiers capitaine de l’histoire du FC Mulhouse


“Ce fut un dimanche matin de 1893 qu’eut lieu l’événement très insignifiant qui dut avoir une grosse influence sur toute ma jeunesse.

Ce dimanche, par un froid de chien, sur la place Buffon, un jeune hom(me, les ge­noux nus, sans veston, la bicyclette à la main, faisait sauter un gros ballon, se servant soit de sa main libre soit de ses pieds pour diriger le cuir contre les volets de la maison Zetter au coin de la rue Huguenin. Bientôt il fut rejoint par le fils Zetter et tous deux filèrent à toute allure vers la route de Gal­fingen.

On comprend qu’un gamin de 14 ans comme moi ne put résister à la tentation de manquer l’école du dimanche, pour voir à quel but pouvait servir le belon sur les prés de l’Ill.

Comme je le sus plus tard, ce furent les premiers débuts du football à Mulhouse.

Deux étrangers : un hollandais, Yanning, de forte carrure, athlète parfait et un an­glais, John Kearns, élancé et souple de mouvements, initiaient quelques jeunes mulhou­siens Zetter, Daniel Schoen, Théophile Platen et d’autres aux règles du football.

Je n’avais pas été le seul gamin à assister à ces jeux; déjà en rentrant nous donnions des coups de pied à chaque pierre et morceau de chiffon, qui traînait sur notre chemin et nos parents se demandaient peu après comment nous arrivions à user si vite la semelle de nos souliers.

3 ou 4 semaines plus tard mon frère Wal­ter m’invita à venir voir du football sur les prés. Quelques collégiens avaient réussi à se procurer un ballon et se débattaient sur les prés de l’Ill vis-à-vis de la rue des Perdrix.

Au lieu de me joindre simplement à la cohue d’une dizaine de garçons, qui se bous­culaient autour d’un ballon, je demandai poliment la faveur d’être admis à ce jeu.

Il y avait un certain écart entre les collégiens et les élèves de la «Oberreal» dont je faisais parti.

Un nommé Unmüssig était «Capitain». Il m’écouta d’une mine sérieuse, montra beau­coup de réserve et déclara vouloir se concer­ter avec les autres. Arrêt du jeu — Unmüs­sig prit le ballon sous le bras, pour empêcher les trop fervents de continuer, et le conciliabule eut lieu. «Quoique tu sois de l’Oberreal et malgré ton âge un peu avancé — on n’apprend bien le football que lorsqu’on commence jeune — nous allons t’ad­mettre».

Ces réserves étaient un peu dures pour mon amour propre de gamin, mais le jeu me tentait et quelques secondes après je me ru­ais comme les autres derrière le ballon. C’é­taient mes premiers vrais «Kicks» de foot­ball.

Bientôt ce fut une fièvre de football parmi les collégiens. Nous étions souvent à 30 et plus, tandis que les chimistes arrivaient à grande peine à réunir 10 hommes pour faire un demi jeu. Tous les dimanches nous étions derrière leur goal pour renvoyer les ballons, qui avaient passé la ligne. Nous admirions surtout l’élégance du jeu de Kearns et d’un Mc. Connald, la rapidité d’un suisse: Compard.

En octobre les chimistes eurent du renfort: Alliston et le frère de Kearns, Walter Kearns. Ces trois anglais devaient être pendant deux ans l’âme du football à Mulhouse. Ils donnaient de l’entrain aux chimistes et les samedi après midi ils daignèrent jouer avec nous, les collégiens. Grâce à leurs indications nous apprenions la discipline et les éléments de «combination» (on se servait autant que possible des termes anglais). Je citerai parmi les collégiens, qui étaient les fervents de ce temps, Unmüssig, Richter, Henrichs, Horber, Kessler, Kerkhoff, Cherbuliez, mon frère Walter.

Nos jeux furent souvent dérangés par le garde-champêtre, qui nous défendait l’accès des prés dès le printemps et plus d’une fois à l’approche de cet homme redouté, nous démontions en toute hâte les goals, empoignons nos effets et nous cachions sous les voûtes du chemin de fer près de la route de Galfingen, pour recommencer le jeu quand le danger avait disparu dans l’auberge du coin de la rue de Lutterbach.

Nos jeux avaient attirés l’attention des pensionnaires de la Oberrealschule. L’internat anglais se trouvait en ce temps au château Riff, au pied de l’Illberg, de sorte que les internes furent, comme disait M. Gherbuliez, le directeur, «contaminés» à leur tour. Par eux le football fit son entrée à la Oberreal et bientôt en 1895 eut lieu le premier match Collège contre Oberreal. Du côté Oberreal je me rappelle Glesser, Obrecht, Stœcklin, les frères Mossmann, Federmann, Merkens, Reichard.

Il avait été difficile de trouver un terrain pour cette rencontre, car les propriétaires nous chassaient de tous les prés, l’opinion publique nous était directement hostile et le professeur Johnen nous déclarait en classe “Solche Spiele sind jut für die brutalen Englânder, sie passen aber nich in dînzivilisiertes Land». Faute de mieux nous jouions près du pont de Bourtzwiller entre la Ringbahn et la Doller, sur une place sans herbe, semée de scories et de cailloux.

Les frères Kearns et Alliston étaient as­sis sur le talus de la Ringbahn et critiquaient nos exploits. Ils furent cependant assez sa­tisfaits de leurs élèves, car quelques jours plus tard ils nous demandèrent la fusion en­tre chimistes et collégiens.

En 1895 eut lieu le premier match avec une équipe étrangère. Il avait été organisé avec les Grashoppers de Zurich (on disait par 1 intermédiaire d’un fils Mieg, alors étu­diant à l’école polytechnique de Zurich). C’est à ce moment que se posa la question du costume. Les uns voulaient une chemise rouge et blanche, qu’on pouvait selon son désir ou goût compléter par un pantalon bleu ou noir, les autres, un pantalon rouge et une chemise blanche pour avoir les couleurs alsaciennes. Ce fut J. Kearns qui décida. Comme il y avait quelques jeunes gens parmi nous, qui jouaient à l’insu ou même contre le gré de leurs parents et n’auraient par con­séquent pas pu se procurer une chemise en couleur, il fallait choisir un costume à la portée de tous. Le pantalon foncé et la che­mise blanche furent adoptés. Des bas noirs avec deux minces filets rouges sur les re-i vers donnaient à l’ensemble du costume beaucoup de distinction. Cette décision fut acceptée sans discussion lorsque Kearns décla­ra que, Aston Villa, les champions anglais de cette année, portaient les mêmes couleurs.

J’ai toujours eu un faible pour notre premier costume et j’ai regretté qu’on l’ait changé plus tard pour différentes raisons. Lorsque nous nous alignions contre les Gras­hoppers, qui portaient des chemises ou maillots bleus, j’avais le sentiment du Monsieur en frac vis-à-vis de l’homme en salopette.

La composition de notre équipe était, si je ne me trompe :

Compard

Alliston, P. Helmbold

Th. Platen, Leontieff, Henrichs

Daniel Sehœn, Zetter, John Kearns, W. Helmbold, W. Kearns.

Ce match eut lieu par un grand froid, devant environ 20 spectateurs, sur les prés de l’IH* Je me rappelle que le matin nous avions préparé la place près du chemin de Galfingen, cependant le fermier protesta et nous étions obligés de déménager l’O minutes avant l’arrivée des Grashoppers jusqu’à mi-chemin du Volksbad. Le soir une réception à l’Hôtel Wagner (aujourd’hui National) clôturait l’événement.

Je crois que c’est à ce moment qu’on fit enregistrer officiellement la société et on choisit le nom de «Football-Club Mulhouse».

Compard, un suisse français, très fidèle joueur, fut le premier président, auquel succédait plus tard Théophile Platen, qui fut président pendant 4 ou 5 ans.

Malgré les difficultés à trouver un ter­rain nous nous entraînions régulièrement, ayant toujours comme dernière ressource la berge de la Doller. Depuis le match avec les Grashoppers, J. Mieg et Ch, Doll, qui fai­saient parti de l’équipe de Zurich, s’intéres­saient à notre club et venaient renforcer no­tre équipe à l’occasion des matches que nous jouions ensuite.

Doll, particulièrement, était un joueur plein de verve et par son exemple nous mon­tra qu’on peut remplacer par la vitesse eti l’élan ce qui manque en technique.

L’opinion générale était toujours contre le football. Doll fit une chute sérieuse sur notre terrain pierreux et se releva avec de sérieuses écorchures à la figure, au bras et à la jambe. Federmann se foula la jambe et fut immobilisé pendant plusieurs semaines et un collégien se cassa la clavicule. Ce fut un mo­ment critique, on défendit le football, «ce jeu de brutes», à l’école. J. Kearns, Mc. Con­nais, Schcen et Zetter quittèrent Mulhouse et le nombre des joueurs dans tous les clubs diminua rapidement.
En 1896 la fièvre du football était tombée, il ne restait que peu de fervents. W. Kearns et Alliston avec leur stabilité bien anglaise, leur passion à exté­rieur calme et leur invariable amabilité surent vaincre aussi cette crise. Tous les clubs furent obligés de fusionner et c’est à ce moment qu’entrèrent dans le F. C. M. les Glesser, frères Claude de Wildersbach, frères Mossmann, Merkens et d’autres de la Oberreal.

Nous jouions quelques matches contre F. C. Bâle, Old Boys et Strasbourg, mais ra­rement on pouvait jouer le retour à Mul­house, faute de terrain.

Au printemps 1897 seulement eut lieu le retour contre les Grashoppers. Nous arri­vions déjà le matin à dix heures à Zurich et flânions dans les prés qui entouraient la Tonhale.

Kearns déplorait l’irrégularité de notre jeu, qu’il attribua au manque de terrain fixe et organisé. «Si nous gagnons ce n’est qu’un hasard.»

Alliston dit: «Si c’est un hasard, il n’y a que la foi qui puisse nous sauver; si nous trouvions un trèfle à 4 feuilles ce sera un signe et nous croirons suffisamment au succès pour l’obtenir.»

Devant nous, le lac en plein soleil, à l’om­bre de la Tonhalle d’où venait le chant magnifique d’une artiste qui répétait la Traviata, nous cherchions le trèfle à 4 feuilles, qui devait nous apporter la foi et la victoire.

Ce fut moi qui le trouva et plein d’espoir nous nous rendions au terrain. Mais le F. C. M. est l’enfant des surprises, malgré le trèfle nous perdions et moi qui l’avait trouvé fus mis hors jeu après 20 minutes avec un épanchement de sang dans le genou. On comprendra que depuis je n’ai plus de foi en les trèfles à 4 feuilles, les signes général. Je n’oublierai jamais les attentions et les soins qu’eurent pour moi Compard, Doll, Kearns et Alliston et je vis par la suite combien la camaraderie et les expériences communes aident au jeu d’ensemble.

Il nous avait fallu plusieurs années pour apprendre à nous comprendre mais en 1897- 1898 nous formions une équipe qui battit Bâle et Strasbourg.

En 1898 nous étions tous arrivés à la fin de nos études. En W. Kearns, Alliston et Compard le F. C. M. perdit ses piliers. Mon frère Walter et moi quittions Mul­house.

Je revins d’Angleterre en 1899 pour retrouver le F. C. M. en triste état. On avait construit une auberge, sur la route de Galfingen près de la place du patinage et l’aubergiste nous permettait de jouer sur cette place tant qu’elle n’était pas inondée. Il mettait même à notre disposition une chambre, qui nous servait de vestiaire, mais il ne restait des anciens que Henrichs et Platen. Il n’y avait guère de nouveaux joueurs. L’entrain était donné par un Belge, Gérard. Nous n’ar­rivions que rarement à organiser un jeu et . souvent nous engagions les «Kneckes» qui rodaient autour de la place, pour jouer à deux goals. Je crois que dans toute cette sai­son nous n’avons joué qu’un match contre Bâle.

Gérard cependant se donna beaucoup de peine pour attirer les joueurs et il proposa à ce moment la roue de Mulhouse comme insigne sur la chemise blanche avec indica­tions des années qu’on avait jouées avec le club.

“Le joli insigne du club date je crois de 1902.”

J’absolvais cette année mon service mili­taire et mes supérieurs avaient un malin plaisir à m’empêcher de jouer. Mon Feldwebel me dit : «Ich kann Ihnen Ihr Sonntag- nachmittag-Vergnügen nicht verbieten, wenn Sie aber einmal &m Montag hinken, fliegen Sie drei Tage ins Loch.» A la fin de mon service l’esprit changea. Lors d’une «Turnbesichtigung», le Général de division de Bissing s’étonna de la facilité avec laquelle je sus vaincre les obstacles, il me fit venir et me demanda d’où j’avais cet entrainement. Ma réponse le rendit attentif au football et j’ai pu constater un revirement chez mes supérieurs à partir de ce temps.

En octobre 1900, le F. C. M. obtint même la permission de jouer les samedis et dimanches sur la place d’exercices militaires rue Vauban.

Je retournais en Angleterre fin 1920 où je jouais du Hockey avec les Kearns ou du Football à Manchester.”

[À suivre…]

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