Souvenirs de matchs : Mulhouse – Strasbourg (2012)

10 novembre 2012. Souvenirs glorieux, rivalité régionale et engouement populaire… la rencontre entre le FC Mulhouse et le Racing était l’événement du week-end en Alsace. Et pourtant, il ne faisait pas vraiment un temps à mettre un footballeur dehors. Mais ce derby tant attendu entre le FC Mulhouse et le Racing s’est quand même tenu. Et il a tenu ses promesses, tant sur le terrain qu’en tribunes.


Un récit tiré des écrits de Marc Wilb et Pierre Chatelus pour le journal L’Alsace.

 

Le premier derby officiel depuis plus de 20 ans

Mulhousiens et Strasbourgeois ne se sont ainsi plus affrontés depuis plus de 20 ans, à l’heure où tous deux évoluaient dans le giron du football professionnel. À cette époque, déjà un peu lointaine, les deux clubs ont été opposés à huit reprises. Le FC Mulhouse s’en est d’ailleurs le mieux sorti, puisqu’il a remporté cinq de ces huit rencontres, le Racing ne quittant que deux fois le terrain en vainqueur.

  • Saison 1986/1987 : Le Racing s’incline deux fois face à Mulhouse. Les Strasbourgeois perdent 4-3 à domicile et s’inclinent une nouvelle fois (1-0) lors du match retour, au stade de l’Ill.
  • Saison 1987/88 : Cette saison est particulière, car c’est la seule fois où le bilan du Racing est “positif” à l’issue des confrontations directes. Le Racing s’impose 1-0 à la Meinau, grâce à son buteur allemand Peter Reichert et tient le nul (0-0), au retour, au stade de l’Ill.
  • Saison 1990/91 : Le FCM et le Racing se retrouvent en Division 2, après une parenthèse d’une saison. Et c’est l’équipe haut-rhinoise qui s’impose deux fois face au Racing de “Léo” Specht. Le FCM gagne 1-0 à domicile et 3-0 à la Meinau, avec des buts signés Subiat, Andrieux et… Marc Keller.

Le dernier derby remonte au dimanche 19 janvier 1992 et le FC Mulhouse l’avait alors emporté 2-1 au stade de l’Ill, grâce à des buts d’André Basile et Nestor Subiat, Marc Keller (l’actuel président du Racing et ancien Mulhousien) ayant sauvé l’honneur. Au match aller, le Racing s’était imposé 2-0, grâce à des réussites de Hasek et Monczuk. L’équipe entraînée alors par Gilbert Gress avait assuré son retour en Division 1, le FCM restant en milieu de tableau de la Division 2.

Pour l’ancien mulhousien Alain Horace, l’un des protagonistes du dernier Alsasico, la rencontre à venir lui rappelle beaucoup de souvenirs :

« Je me rappelle qu’il faisait plutôt froid. Il fallait du coup mettre le feu d’entrée sur le terrain, car nous avions tous envie de faire plaisir au public, plus nombreux qu’à l’accoutumée. Nous avons eu le bonheur de gagner ce match, tout le monde était content à la fin. Le Racing, lui, a vite oublié ce revers qui n’a pas porté à conséquences, puisqu’il est monté en fin de saison. D’ailleurs, nous avions réussi de bonnes performances face aux ténors. Nous avions ainsi battu les Girondins de Bordeaux de Lizarazu sur le score de 5-1. Les Bordelais sont aussi montés, alors que nous avons passé la saison en milieu de tableau

Mais ce qui m’a marqué le plus est le but du 2-0 inscrit par Nestor Subiat. Ça, je m’en souviens comme si c’était hier. Il avait pris le ballon dans notre camp, avait accéléré balle au pied, pris tout le monde de vitesse pour aller marquer tout en puissance. C’était une chevauchée fantastique. Le stade était fou de joie, comme tous les joueurs ».

 

Un dispositif de sécurité exceptionnel

Une rencontre entre le FC Mulhouse et le RC Strasbourg, ça doit être avant tout la fête du football alsacien. Pour qu’elle ne soit ternie par aucun incident, malgré les déclarations belliqueuses de certains « supporters », les responsables ont pris les devants, avec la mobilisation de 120 bénévoles du club à l’intérieur du stade, sans compter la vingtaine de stadiers du RCS qui encadreront leurs supporters et l’entreprise de sécurité professionnelle chargée des contrôles à l’entrée. Les supporters strasbourgeois arrivant en groupe auront même un emplacement réservé de 2000 places, avec toilettes et buvette attitrées, dans le virage situé sous le tableau d’affichage.

Du côté de la police de Mulhouse, tous les services seront mobilisés : unité d’ordre public au grand complet, brigade canine, brigade anti-criminalité… Le directeur départemental de la sécurité publique, Alain Martinez, a également demandé et obtenu le renfort de forces mobiles, en l’occurrence une compagnie complète de CRS.

Ce dispositif, « exceptionnel pour un match de CFA » et inédit à Mulhouse depuis que le club n’est plus professionnel, sera encore complété par des policiers municipaux.

Au final, pas de dégradation, pas d’affrontement : la rencontre est restée sous contrôle, hormis quelques échauffourées dans le stade suite à l’ouverture du score du FCM. La compagnie de CRS et les dizaines de policiers mulhousiens mobilisés pour l’occasion ont tout de même été contraints de calmer à plusieurs reprises les ardeurs de quelques dizaines d’individus, sur plus de 7 000 spectateurs.

 

Marc Keller à propos de “l’Alsasico”

Marc Keller, l’actuel président du Racing, s’est révélé au haut niveau sous les couleurs du FCM où il a joué de 1986 à 1991. Il aura disputé quelques derbies, tant du côté mulhousien que strasbourgeois. Avant le choc, l’ancien international français est revenu sur ces années où le foot alsacien tenait le haut de l’affiche.

« Des derbies, j’en ai joué quelques-uns, dont le dernier, au stade de l’Ill où j’ai marqué un but (pour le Racing, avec une défaite 2-1 à la clé),confie-t-il d’ailleurs. Mais ce dont je me souviens surtout, c’est le monde… Au stade de l’Ill, ces affiches faisaient 10/15000 personnes. À la Meinau plus de 30000. Ce n’était pas une rivalité agressive entre les deux clubs. Ces derbies, c’étaient avant tout des grands moments pour le foot alsacien. Au FCM, on avait une super équipe et notre seul but était de faire du beau jeu ».

 

Retour sur un scénario haletant

Sur une pelouse détrempée, ce sont les Mulhousiens qui débutent plus fort. Alors que quelques échauffourées sont encore en cours derrière la tribune Frédéric Johansen, ce sont les coéquipiers de Pascal Johansen qui prennent les choses en main.

Kecha lance les hostilités d’un centre-tir fuyant (4 e), avant de remettre le couvert cette fois pour Balogou, trop court (7 e). En face, des Strasbourgeois sur la défensive procèdent en contre. Comme celui où Djidonou est mis à contribution, sur un tir cadré de Perrin (8 e).

Mais passées ces dix premières minutes, les débats s’enlisent. Ou plutôt, s’envasent sur un terrain « quasiment impraticable côté gauche » (dixit Anthony Sichi et Samir Kecha).

Les coups de pied arrêtés offrent quelques opportunités, comme celui tiré par Lienard (22 e) ou Noro, côté Racing (31 e). Ou encore sur ce coup franc direct dans la surface, en faveur des hommes de Keller, obtenu après une faute de main de Dijdonou (40 e). La pause est sifflée sur un 0-0 très humide.

L’heure de jeu n’est pas tout à fait atteinte. Depuis la reprise, le Racing, inexistant au cours des 45 premières minutes hormis une frappe de Pinaud  à la 49 ème, pousse un peu plus. Mais Anthony Sichi commet une faute à quelque 30 mètres de ses buts, d’une poussette sur Pascal Johansen. Belony Dumas décide de frapper le coup franc. Il se concentre, prend son temps et, presque sans élan, expédie un véritable missile qui s’engouffre dans la lucarne de Ziman Duki.

C’est l’explosion dans le stade de l’Ill. Dans la tête du défenseur mulhousien aussi. Il se lance alors dans une course folle vers le banc de touche, les bras en croix pour se laisser tomber à genoux devant ses coéquipiers. Les uns après les autres, ils se jettent sur lui, formant une énorme mêlée. Même Laurent Croci, son entraîneur, gratifie le public d’une superbe plongée au cœur de l’attroupement. « Un but d’anthologie », lancera, hilare, son coéquipier Loïc Fortuna. Ce but exceptionnel est une juste récompense de son travail.

Les policiers anti-émeutes en sont quittes pour intervenir et séparer la Brigade Ultra 88 et des Ultras Boys 90, tous bien excités. Quelques minutes plus tard, le match est même arrêté par l’arbitre, le nuage de lacrymogène étant arrivé au-dessus du terrain.

Après sept minutes de flottement sur la pelouse et d’invectives en tribunes, la rencontre peut reprendre. Le Racing tente alors timidement de revenir au score, mais le FCM est tout proche du break sur des coups francs de Lienard, puis de Dumas (décidément inspiré) sur lequel Duki sauve les siens.

Malgré cela, les quinze dernières minutes sont Strasbourgeoises. Donzelot apporte le surnombre et offre deux centres mal exploités (75 e, 78 e).

Mais il était écrit qu’hier soir, l’affaire allait se régler sur coups de pied arrêtés. On joue la 88 e minute lorsque le Racing, mené tout autant que malmené jusque-là, tire l’une de ses dernières cartouches sur un corner. Noro l’exécute et place son ballon dans le « paquet ». Monté aux avant-postes, le défenseur serbe s’élève plus haut que tout le monde et catapulte de son large front dégarni le ballon au fond des filets. Les 700 supporters du RCS, postés derrière le but, chavirent de bonheur.

 

« C’est un peu frustrant. En sortant, j’avais comme une appréhension. J’ai dit aux autres de faire attention aux coups de pieds arrêtés, notamment aux corners. On prend un but là-dessus, mais on peut garder la tête haute car on avait la mainmise sur le ballon. Les supporters peuvent être fiers de nous. » – Dimitri Liénard, FCM

« On n’a pas l’habitude de jouer contre autant de monde. En gagnant, on faisait une très bonne opération. Dans ce genre de match, de derby, cela se joue souvent sur coup de pied arrêté. Maintenant, on va en Nouvelle-Calédonie avec l’intention de passer. Et pourquoi pas retrouver le Racing par la suite » – Pascal Johansen, FCM

 

Belony Dumas, héro du soir

Belony Dumas, 23 ans, passé par les centres de formations de Nancy, Châteauroux et Evian-Thonon-Gaillard, qui n’est pas coutumier du fait, se souviendra sans doute longtemps de son premier but inscrit pour le FC Mulhouse. « Juste avant le match, dans sa causerie, Laurent Croci est venu me parler. Il m’a rappelé que je mettais tous mes coups francs à l’entraînement, mais jamais en match. Il m’a demandé de m’appliquer, de prendre mon temps et de bien prendre mon élan. Je me suis donc concentré et le ballon est bien parti. »

Quand le ballon trouve la lucarne du but strasbourgeois, le défenseur goûte à des instants de grâce qu’il ne connaissait pas. Ou si peu. « Mon dernier but ? Je n’en sais rien, mais ça doit bien faire deux ou trois ans que je n’avais pas marqué. Quand je vois le ballon rentrer , je me dis : non, c’est pas possible. Je me tourne à droite et à gauche, je vois tout le monde qui vient vers moi. Franchement, ça m’a vraiment fait plaisir, je voulais partager ce moment avec tous mes coéquipiers, tout le public ».

S’il ne pouvait pas prévoir l’instant où il marquerait un but aussi somptueux, Belony Dumas n’en travaille pas moins depuis de longues semaines ses coups de pied arrêtés à l’entraînement. Un exercice dans lequel il se montre de plus en plus adroit. « Là, c’est arrivé pour le derby, et j’espère que prochainement, ça arrivera encore. C’est évidemment le plus beau but de ma carrière. Il me tenait à cœur, et je crois qu’il en va de même pour mon entraîneur (sourire) ».


Feuille de match

FC MULHOUSE 1 RACING 1
Stade de l’Ill. Mi-temps: 0-0. Environ 6 500 spectateurs. Arbitre: M. Vaudeville.

Les buts : Dumas (58 e) pour le FCM; Sikimic (88 e) pour le Racing.
Les avertissements : Djidonou (39 e) au FCM; Martin (34 e), Momha (73 e), Donzelot (78 e) au Racing.

FC Mulhouse : Djidonou – Kecha (Dardouri, 77 e), Dumas, Fortuna, Konki – Abadie – Loval, Johansen, Lienard (Kalkoul, 83 e) – Douillard, Balogou. Entraîneur: Laurent Croci.

RC Strasbourg : Duki – Donzelot, Golliard, Sikimic, Momha (Sow, 86 e) – Martin, Noro, Sichi (Zerbini, 69 e), Pinaud (Modeste, 89 e) – Ledy, Perrin. Entraîneur: François Keller.

 

Crédits photos : Darek Szuster

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